Une rentrée 2024 au Panthéon pour la classe de khâgne : de la commémoration à l’Histoire

Autour de l’entrée au Panthéon de Missak Manouchian.

Des étrangers dans la Résistance en France, pendant la Seconde Guerre mondiale.

 

Alors que les khâgneuses et khâgneux de Jeanne d’Albret, tout juste rentrés en classe, sont déjà plongés dans la question au programme d’Histoire contemporaine : « Exilés, réfugiés et étrangers en France de 1848 à 1986 », l’occasion est toute trouvée de rendre compte du travail – très opportun – qu’ils ont mené l’année dernière en Hypokhâgne, dans le cadre des « Ateliers de Culture Générale » spécifiques à nos CPGE-Lettres.

Les étudiantes et étudiants de Lettres Supérieures ont travaillé et réfléchi autour d’un thème : « Les étrangers dans la Résistance en France pendant la Seconde Guerre mondiale, entre histoire et mémoire », en écho évidemment à la panthéonisation de Missak Manouchian, accompagné de son épouse Mélinée, et de la cérémonie officielle organisée au Panthéon à Paris, le 21 février 2024. Individuellement et collectivement, les hypokhâgneuses et hypokhâgneux se sont livrés à des joutes oratoires et des exercices de déclamation, ont préparé des exposés historiques et ont organisé des débats passionnés ; ils en sont sortis riches d’une compréhension approfondie des enjeux liés à la présence étrangère en France pendant la Seconde Guerre mondiale et à son intégration dans la mémoire officielle, ce dont témoignent les productions écrites et graphiques ci-dessous, portion congrue d’un remarquable élan collectif. Les étudiants sauront, sans nul doute, faire fructifier les savoirs acquis au service de leur réussite en Khâgne.

Floriane Schneider, professeure d’Histoire en Hypokhâgne et Khâgne

En aval d’un débat argumenté organisé autour de la décision du Président de la République de panthéoniser Missak Manouchian uniquement : lettre rédigée par notre étudiant Pierrick SYMONEAUX

« Monsieur le Président de la République,

Je vous écris du passé de la Résistance,

Pour vous dire ce que j’ai appris, pour vous exprimer mes sentiments et pour vous confier mon avis.

Mon désaccord ne tient pas sur les époux mais sur ceux qui restent. Missak et Mélinée, destins d’Arménie et de France, leurs frères et sœurs d’armes pour l’amour, la liberté et l’éternité, se trouvent sous le dôme des grands hommes et femmes de France. Mais dans ce Panthéon qui sous son dôme accueille les enfants de la liberté, le compte n’y est pas.

Ils étaient vingt-trois quand les fusils fleurirent, ils furent bien plus quand l’aigle noir s’abattit sur la France, quand le lion édenté extirpa de ses griffes ces trois mots qui remplissent notre cœur : Liberté, Egalité, Fraternité.

Le peuple de l’ombre attend encore. Là, silencieux, sous nos yeux aveugles. Aveuglés par les grands noms. Les Résistants, enfin les grands, comme on les appelle, nous les connaissons. De Gaulle, Moulin, Môquet, les époux Aubrac, les époux Manouchian, et encore bien d’autres… Mais justement ces autres… Ces autres-là qu’on oublie… qu’on cache comme des poussières sous un tapis.

Voilà le cortège des ombres qui nous manque.

Le cortège des vétérans qui ont perdu leur entrailles sur notre sol pour la Première et la Seconde des grandes guerres. Où est-il ?

Le cortège des petites mains qui, entre habitants, ont aidé les martyrs. Où est-il ?

Le cortège des exilés qui, depuis Londres, regardaient loin de chez eux leur patrie souffrir. Où est-il ?

Le cortège de ceux qui sortirent de leur silence pour offrir une vie à l’espérance. Où est-il ?

Dans la nuit de l’oubli, combien d’enfants de France connaissent leur nom ? Aucun. Je ne les connais pas non plus. Sauf quand cette mémoire, comme un trésor, est transmise dans les familles.

Mais le dôme des Grands Hommes ne les reconnaît pas.

Qui connait Marthe Norgeu, membre de Libération Nord qui, dans son imprimerie, sauva des vies ?

Qui connait Bernard Anquetil qui espionna les nazis et mourut pour cela ?

Qui les connaît ? Tous ces courages. Toutes ces histoires. Toutes ces vies. Tous ces noms.

Ils ont été broyés par le temps, par l’histoire, broyés par d’autres noms. Dans 10 ans, on ne saura plus qui sont les vingt-deux autres fusillés. On aura oublié leurs noms. On se souviendra de Missaak qui, même s’il ne l’a pas voulu, a effacé tous les autres. On se souviendra de Mélinée qui l’a rejoint. Privés d’un nom, leurs camarades de Résistance ne sont plus humains. Ils sont perdus dans le vide et dans le temps.

Est-ce donc ainsi que les Hommes meurent ? Oubliés.

Est-ce donc cela la reconnaissance de la Patrie ? Rien.

Peut-être que cette guerre était trop « drôle » pour la France.

Peut-être que ces actions étaient trop insignifiantes pour elle.

C’est un comble pour une France défaite d’oublier ceux qui lui ont permis de vaincre. »

En hommage aux époux Manouchian et à leurs camarades de Résistance, notre étudiant Sacha BAUDIN–DOUKHAN a réalisé le portrait des époux Manouchian et notre étudiante Mélanie LOISEAU a réalisé le dessin en coupe du Panthéon.