17 mai 2024 : la classe d’hypokhâgne et des étudiantes de khâgne à la rencontre de brillants journalistes du quotidien Le Monde

Récit d’une fabuleuse après-midi d’échange avec Delphine Papin, cheffe du service Infographie du Monde, et avec Jérôme Gautheret, rédacteur en chef pour Le Monde

 

Au cœur des étudiant.e.s, Delphine Papin, cheffe sur service Infographie du Monde, dans l’auditorium du groupe.

 

Le vendredi 17 mai 2024, notre classe d’hypokhâgne et des étudiantes de khâgne se sont rendues au siège éditorial du journal Le Monde où nous avons été accueillis chaleureusement par Gilles van Kote, directeur délégué aux relations avec les lecteurs.

Cette sortie s’inscrivait dans le cadre du travail sur les cartes mené en classe de géographie avec notre professeure, madame Catherine Justin. Nous nous étions appuyés en cours sur les productions cartographiques et infographiques du journal. Nous avions notamment consacré l’année à une réflexion autant individuelle que collective sur des sujets de géographie à cartographier. L’objet de cette sortie était donc de comprendre l’organisation du service Infographie et d’écouter des cartographes parler de leur métier d’analyse de l’actualité.

Comment représenter la situation d’un territoire et des populations sur une carte pour en faire ressortir les enjeux ? Comment réussir à conserver un regard objectif et éclairant ? Comment les membres de ce service travaillent-ils ? A quelles contraintes doivent-ils faire face et à quels besoins d’information répondent-ils ? Cette rencontre a permis au service Infographie de nous répondre.

Nous avons été accueillis par Delphine Papin, la cheffe du service Infographie, chargée de la direction de l’équipe de journalistes, du choix des sujets à étudier, de la production des cartes et de la gestion du travail d’investigation. Elle était accompagnée du journaliste, historien de formation, et rédacteur en chef, Jérôme Gautheret. Ainsi nous pûmes commencer à échanger.

Les premières thématiques qui apparurent reposaient sur les choix concrets auxquels les journalistes cartographes étaient confrontés dans leur travail quotidien. La couleur était une partie récurrente de la discussion, en ce qu’elle porte un pouvoir symbolique, et doit suivre une logique afin d’obtenir une représentation claire. Ainsi, lors des élections, il est question de trouver comment faire apparaître les différents partis politiques, d’une part pour les distinguer les uns des autres, d’autre part pour que les lecteurs et lectrices puissent comprendre d’un seul coup d’œil les cartes des résultats électoraux. Comprendre que la couleur et la cartographie plus largement étaitent hautement politiques nous ont permis de poursuivre l’échange sur des sujets d’actualité. Delphine Papin et Jérôme Gautheret ont partagé leur expérience sur l’encadrement des projets en fonction des événements politiques qui adviennent en temps réel. La guerre en Ukraine ou le conflit israélo-palestinien représentent des défis en matière de cartographie car la tension qu’ils suscitent interdit la moindre erreur. Les problèmes les plus récurrents sont l’usage des sources, de leur fiabilité et de leur viabilité pour la représentation cartographique, mais aussi la capacité d’une carte à être la plus complète possible et à représenter précisément le sujet traité. Nous avons vite compris que la tâche était impossible. Vouloir produire une carte en réunissant la totalité des éléments d’un même sujet la rendait illisible. Ce qui fait justement sa qualité est la représentation efficace d’une partie d’un conflit, d’une information, d’un sujet. C’est l’expression d’un point de vue nécessairement subjectif et partiel.

Nous en sommes venus à la conclusion que le travail du cartographe devait se comprendre dans une série de cartes, l’une devant être lue après l’autre. Le travail que menaient nos interlocuteurs s’ancrait davantage dans la couverture d’un thème. La vocation d’une carte n’est pas de vouloir tout traiter, mais de mettre en lumière des phénomènes spatiaux dans leur contexte géographique afin d’apporter une perspective nouvelle à son sujet … si bien que ce dernier ouvre des pistes de réflexion.

Nous avons vu que ce travail pouvait devenir une charge colossale. Il demande un travail d’investigation chronophage et une lucidité essentielle à toute représentation graphique. Pour faire une carte claire, la ou le cartographe doit chercher partout, et réfléchir aux modes de représentation afin que la lecture soit la plus évidente possible. Cela demande également de réfléchir au destinataire de la carte, et à la portée qu’elle peut avoir. Delphine Papin nous confiait que certaines de ses cartes pouvaient faire l’objet de réponses d’ambassades, ou se retrouver dans les mains des élus politiques. Dès lors, cela engage son équipe dans un travail de haute précision et de cadence effrénée.

Cette rencontre fut pour nous le moyen de découvrir une géographie employée au journalisme et une géographie sortie de l’académisme auquel nous sommes habitués dans la perspective des concours. La valeur que Le Monde attribue à ce service Infographie atteste de la nécessité de cette grille de lecture dans le monde de l’information. Ce faisant, nous avons pu, en fin d’entretien, interroger Delphine Papin sur son parcours professionnel. Comment a-t-elle rencontré la géographie et pourquoi y est-elle restée attachée jusqu’à aujourd’hui. Au-delà d’un aspect pédagogique qui nous permettait de voir une facette du fonctionnement d’un quotidien, cette rencontre nous a permis d’être témoin d’une véritable déontologie à l’œuvre. Cette sortie eut sur nous l’effet d’un élan fédérateur à une discipline géographique ouverte sur le monde et ses enjeux.

Alors que les sujets du concours de 2024-2025 de l’ENS venaient d’être publiés, nous sortions de l’auditorium avec le sentiment d’avoir vécu un véritable moment de partage, d’éprouver le désir unanime de mieux comprendre les rouages de nos sociétés et de marcher dans les pas de celles et ceux qui ont pris le temps de nous rencontrer.

C’est pourquoi nous tenons à remercier très chaleureusement Delphine Papin, Jérôme Gautheret et Gilles van Kote d’avoir permis cette précieuse rencontre, et à notre professeur Madame Justin d’avoir pris le temps d’organiser cette sortie.

Sacha Baudin–Doukhan, étudiant en hypokhâgne

 

Jérôme Gautheret, rédacteur en chef pour Le Monde, et Delphine Papin