Le programme, en lettres, se compose de trois grands thèmes et d’un corpus de quatre œuvres appartenant à des siècles et à des genres différents. L’étude des œuvres sert à nourrir la réflexion sur les thèmes et le travail sur les thèmes à interroger les œuvres sous un angle particulier. Il faut donc, pendant l’été, surtout procéder à une lecture active et personnelle des œuvres avec leur dossiers critiques pour bien les connaître et se les approprier. Vous pourrez également commencer à réfléchir aux thèmes proposés et faire le lien avec les œuvres.
I – ŒUVRES AU PROGRAMME EN LETTRES (tronc commun)
Il est impératif que les toutes œuvres inscrites au programme aient été lues, et bien lues, avec leur appareil critique pour la rentrée de septembre.
Œuvres :
– Guilleragues, Lettres portugaises, éd. A. Brunn, GF Flammarion, 2009 ; ISBN : 978-2-0812- 1965-6. XVII° siècle
– Bernardin de Saint-Pierre, Paul et Virginie, éd. J.-M. Racault, Le Livre de Poche, Classiques, 2019 ; ISBN : 9782253240280. XVIII°siècle
– Flaubert, Madame Bovary, éd. G. Séginger, GF, 2018 ; ISBN: 9782081422568. XIX° siècle
– Marguerite Duras, Le ravissement de Lol V. Stein, Folio, 1976 ; ISBN : 9782070368105. XX°
Attention : procurez-vous les œuvres dans les éditions indiquées ! Celles-ci sont imposées.
II – LES THÈMES AU PROGRAMME EN LETTRES (tronc commun)
Axe 1 : Genres et mouvements
Le roman
Axe 2 : Questions
- L’œuvre littéraire, ses propriétés, sa valeur
- L’œuvre littéraire et l’auteur
Lectures recommandées pour se familiariser avec les thèmes :
Sur le roman :
– Le roman (textes présentés par Nathalie Piégay-Gros), GF Flammarion, collection Corpus, n°3070
– Milan Kundera : L’Art du roman (Gallimard/Folio). Au moins, le premier chapitre « L’héritage décrié de Cervantès ».
– Nathalie Sarraute : L’Ere du soupçon (Gallimard/Folio). Notamment le chapitre intitulé : « Ce que voient les oiseaux »
Sur l’œuvre littéraire, ses propriétés, sa valeur :
– Jean Starobinski : La Relation critique (Tel/Gallimard), lire le chapitre qui donne son titre au livre.
– Tzvetan Todorov : La littérature en péril, Flammarion, 2007
– Justine Augier : Croire, sur les pouvoirs de la littérature, Actes sud 2023
Sur l’œuvre et l’auteur :
– Alain Brunn : L’Auteur, GF 2012, Corpus n°3058
III – PROGRAMME DE LA SPÉCIALITÉ LETTRES
A l’écrit :
L’épreuve de lettres à l’écrit de la BEL consiste en « une étude stylistique et littéraire » (un commentaire composé) sur un texte francophone publié après 1601. Il n’y a donc pas de programme, ce qui nous laisse beaucoup de liberté dans le choix et le type d’approche des textes que nous étudierons. Le cours se construira principalement autour d’une approche générique des textes (narrative, théâtrale et poétique) ; ce qui n’exclura ni l’histoire littéraire ni l’histoire des idées, nécessaires l’une et l’autre pour situer et comprendre les œuvres.
Il serait bon que les spécialistes de Lettres modernes se procurent une histoire de la littérature et un dictionnaire des termes littéraires (par exemple : Lexique des termes littéraires, Jean-Michel Jarrety, Le Livre de poche 2001).
À l’oral :
Programme : Poèmes de la guerre
a) René Char, Fureur et mystère, Paris, Gallimard, coll. « Poésie », 1967, 224 p. – ISBN 9782070300655
b) Anna Akhmatova, Requiem, Paris, Gallimard, coll. “Poésie”, 2007, 384 p. – ISBN 9782070337224
Durant l’été, lisez partout où vous allez les deux œuvres au programme, dans l’ordre qu’il vous plaira, deux fois chacune. Mettez des post-its, ou prenez des notes sur un petit cahier, pour retenir les passages qui retiennent votre attention, ceux qui pour diverses raisons font résonance pour vous, mais aussi ceux où les poèmes de René Char et ceux d’Anna Akhmatova se sont écho : vous pouvez d’ores et déjà repérer des parallèles ou des divergences entre les deux oeuvres, et rapidement l’indiquer en marge des pages, au crayon.
Sur René Char, je vous recommande de débuter la lecture par « Les Feuillets d’Hypnos », plus accessibles. Lisez sans faute le foliothèque où Jean-Michel Maulpoix commente « Fureur et Mystère de René Char », c’est une parfaite introduction (ISBN 2-07-039241-4).
Sur Anna Akhmatova, je vous recommande l’écoute du podcast de France Culture qui lui est consacré : « Anna Akhmatova, l’inconnue de Leningrad »; vous écouterez avec profit « Portrait d’Anna Akhmatova », mais aussi « Anna Akhmatova, la voyante », ainsi que le très court mais beau « De la mort d’Alexis Navalny au Requiem d’Anna Akhmatova », tous accessibles sur France Culture.
Lisez aussi l’appareil critique des deux textes : préfaces, dossiers, l’édition choisie par le programme est une mine d’informations, achetez bien celle-là, et annotez ce précieux paratexte.
IV. CONSEILS ET PRÉSENTATION DES QUESTIONS DU PROGRAMME 2024-2025
1. Le travail de cet été
Le travail pour vous cet été va essentiellement consister à lire et bien lire les œuvres du programme ainsi que les préfaces et appareils critiques qui les accompagnent (quand il y en a) dans les éditions qui nous sont imposées. Il est impératif que vous connaissiez ces œuvres, qu’elles vous soient devenues familières et que vous vous les soyez appropriées. Il faut que vous puissiez vous y repérer facilement, que vous connaissiez les mondes et les situations qu’elles déploient, les qualités et les attributs des personnages, leur histoire, leurs actions, leur spécificité, leurs relations, la structuration du temps et l’organisation de l’espace. Il faut enfin, point essentiel, que vous vous engagiez dans une lecture personnelle de ces livres, que vous interrogiez vos réactions au moment de la lecture, que vous souligniez ou notiez les passages qui vous touchent ou vous surprennent et que vous procédiez à votre propre analyse de ces passages pour essayer de comprendre pour quelles raisons ils ont retenu votre attention. C’est là que commence la khâgne, dans l’appropriation des œuvres. On est au tout début du cours ; au début d’une interprétation des textes, que nous poursuivrons ensemble pendant toute l’année. Un cours de lettres, c’est, me semble-t-il, aller à plusieurs vers l’énigme d’un texte où se réfléchit le mystère de la vie.
2. Les thèmes
Le roman
Genre déjà largement exploré en Hypokhâgne. Le roman est un genre littéraire, celui qui s’est sans doute le plus développé de nos jours depuis le XIX° siècle, au point qu’on le confond parfois avec la littérature tout entière (ce qui est, bien sûr, une erreur).
Le roman a souvent été défini comme un genre ouvert, disponible, sans lois ou sans règle, lawless, disait André Gide dans Les faux-monnayeurs¸ et qui peut donc accueillir toutes les formes déjà existantes, tous les autres genres, toutes les tonalités ou les registres. Une sorte de forme « transgenre » si l’on peut dire …
Mais il y a des caractéristiques formelles que l’on retrouve quasi systématiquement dans chacun d’eux comme le recours au récit, à la prose et à la fiction. Il faudra donc explorer l’intérêt du recours à la forme narrative, du travail sur la prose et de la place prépondérante laissée à la fiction dans l’invention romanesque.
On peut tenter cette première approche : le roman se caractérise peut-être en tout premier lieu par le travail qu’il opère sur l’écriture de la fiction et du récit pour construire un monde parallèle au nôtre, un monde possible. Il s’écarte du monde réel grâce à la fiction soit pour mieux le viser et le rejoindre, ou l’atteindre, éventuellement pour le corriger ou le dénoncer dans les entreprises réalistes, soit, au contraire, pour s’en échapper, le contrebalancer dans les espaces de l’imagination ou de la légèreté, le rêver autre qu’il n’est. Il ouvre aussi un espace libre où les points de vue, les pensées, les visions se confrontent. Il y a quelque chose de fondamentalement démocratique dans le roman.
J’ajouterai, pour terminer, que réfléchir sur le roman, c’est d’abord interroger le plaisir que nous prenons aux histoires que l’on raconte et le rôle qu’on leur donne dans notre propre histoire … Et c’est aussi réfléchir sur l’imagination, la faculté imaginante, sur la place, l’importance et le pouvoir que nous accordons dans nos vies à cette « reine des facultés », comme disait Baudelaire.
L’œuvre littéraire, ses propriétés, sa valeur
C’est une question de théorie littéraire. Il faudra d’abord définir avec précision ce qu’est un texte littéraire, ce qui le distingue des autres types de texte et de l’emploi que nous faisons du langage ordinaire, pour comprendre ensuite ce qui fait d’un texte une œuvre et être ainsi en mesure de proposer une définition de l’œuvre littéraire.
Elle se caractérise, on le découvrira, par un certain nombre de « propriétés » que nous essaierons de dégager. Les principales sont sa faculté d’être décontextualisée par la publication puis recontextualisée dans la lecture, son aptitude à recevoir plusieurs interprétations, le tremblement de son sens ; le fait qu’elle appartienne à un genre, qu’elle possède une structure (à la fois ouverte et fermée), qu’elle fasse apparaître un style, qu’elle déploie un monde etc. Après avoir dégagé grâce à ces propriétés ce qui fait la spécificité de l’œuvre littéraire, nous pourrons interroger ce qui fait sa valeur : ce qui peut faire d’elle un chef d’œuvre, par exemple, mais surtout ses effets sur le lecteur, la façon dont elle agit sur lui, ses manières de voir, de sentir, de penser et de vivre, autrement dit nous nous demanderons ce qu’elle peut et ce par quoi elle vaut.
Nous effectuerons dans ce cours le travail préalable nécessaire à toute réflexion un peu poussée sur la littérature. Ce sera une bonne manière d’ouvrir la réflexion en khâgne.
L’œuvre et l’auteur
Le mot auteur, d’une manière ordinaire, désigne la personne réelle qui concrètement a écrit et fait publier l’œuvre qu’on est en train de lire. Il a une existence biographique et une existence juridique dans la mesure où il est responsable devant la loi des textes qu’il a écrits et publiés et de leur sens.
Mais une question se pose dès lors que l’œuvre a été publiée. Le sens que j’y trouve quand je lis correspond-il à celui que l’auteur a voulu lui donner quand il l’a écrite ?
Lorsqu’on examine les propriétés de l’œuvre littéraire on s’aperçoit très vite qu’une fois publiée l’œuvre échappe au contrôle de son auteur et que ce qu’il a voulu dire ne coïncide pas nécessairement avec le sens reçu par son lecteur. Le sens se met à trembler et devient l’affaire du lecteur davantage que celle de l’auteur. Et voilà comment la question du rapport entre l’œuvre et le lecteur s’introduit dans la réflexion (et donc dans le cours).
Que devient l’auteur dans ces conditions ? Quel rôle joue-t-il dans la relation du lecteur avec l’œuvre littéraire ? C’est une question qui a occupé longtemps la théorie littéraire dans la seconde moitié du XX° siècle, qui l’occupe encore, et à laquelle nous essaierons de répondre à notre manière, à la fois théorique et littéraire.
Il faudra nous demander quel est le bon équilibre à trouver entre ces trois données de la relation littéraire que sont l’auteur, qui se trouve du côté du pôle artistique, de la production ou de la création, le lecteur qui se trouve du côté du pôle esthétique, de la réception et peut être d’une forme de recréation, et enfin l’œuvre entre les deux, avec ses propriétés singulières, son aptitude à être sans cesse décontextualisée et recontextualisée, c’est-à-dire remise en perspective dans la situation concrète où se trouve son lecteur quand il la lit (et qui jouit peut-être d’une forme d’autonomie). C’est tout cela qu’il faudra considérer ensemble pour mieux comprendre ce phénomène étrange qu’est la relation littéraire, la dynamique de l’écriture et de la lecture.
Nous pourrons notamment nous demander si l’auteur, comme le prétend Barthes en 1968, est vraiment mort – il laisserait alors toute la place au lecteur -, ou s’il a encore son mot à dire, sa place dans la relation littéraire. Il nous faudra, autrement dit, évaluer la résistance de l’auteur dans l’expérience de la lecture face aux théories qui veulent sa disparition (et on comprend bien pourquoi : le pouvoir est alors tout entier pour les critiques).
V. ŒUVRES AU PROGRAMME DE L’APPROCHE DES SCIENCES HUMAINES
– Frédérique Leicheter-Flack, Le Laboratoire des cas de conscience, Paris, Flammarion, coll. « Champs », 2023, 224 p.
– Christophe Bonneuil, Jean-Baptiste Fressoz, L’événement anthropocène. La Terre, l’histoire et nous, Paris, Seuil, coll. « Points », nouvelle édition, 2026, 336 p.
Restent au programme :
– Michèle Le Doeuf, Le sexe du savoir, Lyon, ENS Editions, coll. « Perspectives genre », 2023, 310
– Alban Bensa, La fin de l’exotisme. Essais d’anthropologie critique, Anarcharsis éditions, coll. « Griffe Essais », 2016, 309 p.
N’oubliez pas de passer un très bel été, de bien vous reposer, ce sera UTILE. Très bonnes vacances !
Sarah Boudant et Jean-Marc Sourdillon, professeur.e.s de lettres en khâgne